C'est mon voisin de chambre, et il est en train de mourir, au milieu de la nuit. Il respire difficilement, malgré son masque à oxygène. Il souffle. Il souffre. Son corps jaunâtre, comme barbouillé de peinture acrylique, dégouline de sueur. Il chie. Bave. Pisse du sang dans son urinal. "Oh! que vous êtes sale, dit l'aide soignante. Vous ne voulez pas enlever votre short? Allez! pliez les jambes, monsieur!"
"Je mets des antibiotiques en route, dit l'infirmière, et des produits contre la douleur. " Il réclame un bassin, pour chier, à nouveau. L'infirmière le glisse sous ses fesses. Il chie de trouille. J'ai connu ça, moi aussi. La nuit parait interminable. Je fais les cent pas dans le couloir de l'hôpital, au milieu des charriots abandonnés, en attendant que mon voisin finisse de déféquer. Il a terminé. Je regagne mon lit, côté porte. Instant de répit. Il pourrait s'endormir, tranquille, comme un bébé. Il appelle sa maman. Sa respiration redevient syncopée. Il éprouve de plus en plus de difficultés à respirer, tente d'enlever son masque. "Ne faites pas ça, monsieur!" Il se plaint d'une douleur à la poitrine, et au dos. "Vous avez mal où, exactement?" demande l'infirmière. "Partout! Partout!", dit-il d'une voix blanche, à peine audible. L'interne de garde débarque enfin. Gaz du sang, etc. Il est difficile à piquer. Il faut s'y reprendre à plusieurs reprises. On apporte un électrocardiographe dans la chambre. Impossible de poser les électrodes. Ils glissent sur sa peau, à cause de la transpiration. Il faut chercher un autre appareil en service de cardiologie. Un toubib binoclard vêtu d'une combinaison verte débarque de réa en renfort. Un radiologue ambulatoire le suit avec tout son matos. Ils sont entrain de le perdre. Massages cardiaques intensifs. Défibrillateur. Ils sont en train de le perdre. On pousse mon lit dans le couloir. "Vous ne pouvez plus rester ici, monsieur!". Une aide-soignante sort toutes mes affaires personnelles. Ils vont me trouver une autre chambre. Des médecins surgissent de partout, avec appareillages. Je reste à errer dans le couloir. Par l'embrasure de la porte, j'aperçois mon voisin. Inerte. On tente encore de le ranimer. Trop tard. Il est mort.
S.V.
Qui voudrait finir comme ça? Personne...c'est scandaleux et la France interdit l'autodélivrance assistée...merci Stéphane pour ce témoignage. Scandaleux également de t'avoir mis dans cette chambre où un homme se meurt dans la douleur et la solitude. JLB
Rédigé par : Lord | 28/01/2008 à 12:38
Terrible document. Bouleversant témoignage.
Sale monde !
Rédigé par : tassimot simont | 28/01/2008 à 13:37