Petits matins
La
dope tourne, de main en main, dans une cave éclairée de bougies, où se retrouvent
des littérateurs fatigués, pour un conclave de la dernière chance. On cherche,
en vain, une lueur dans les regards, quelque chose d’animal, qui brillerait,
au-delà de mots, jetés à la va vite, sur des carnets froissés, mais tout semble
figé, comme dans une aquarelle. Il est illusoire d’attendre des soupçons
d’empathie. Ce n’est qu’une ébauche de spectacle. Il y a ceux que l’on oublie
jamais, dont le visage hante toutes les pensées. Les affaires se règlent en
silence, dans des arrières cours, près des poubelles. La découverte des
cadavres fait son petit effet, à ceux dont c’est la première fois. Des rubans
jaunes pendouillent autour de la scène de crime. La presse est tenue à l’écart,
par des cordons de sécurité. Les enquêteurs portent des lunettes noires, pour
se cacher des supporters. Un hélicoptère survole le quartier. Les
littérateurs subissent des interrogatoires, pour la circonstance, avant d’être
exfiltrés dans des paniers à salade, vers une destination inconnue. Le climat
est propice aux règlements de compte. La vérité est une blague à la mode, dans
le milieu des intermédiaires. L’important est de bien vendre sa came. Les
dégâts collatéraux sont compris dans le pourcentage. Il arrive que les écrans
saturent de toutes ces effervescences. Des littérateurs de seconde zone sont
exécutés pour l’exemple. La direction ne fait pas de cadeaux. Il faut suivre le
fil, à travers le labyrinthe, pour échapper aux poursuites de molosses
assermentés. La course n’en finit jamais, si l’on veut sauver sa peau. Chaque
piste comporte des pièges, comme dans les cauchemars d’enfant. La dope aide à
surmonter les phases de panique, et d’articuler des mécanismes de défense, face
aux déferlantes. Le vertige est à la portée de tous. Il suffit de passer à la
caisse, avant la facture des petits matins.
S.V.
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