CLOTILDE ESCALLE AU PAYS DES CRIMES INTIMES
Clotilde Escalle écrit avec ses vertiges, et les vestiges de son enfance. Dans La vieillesse de Peter Pan, elle nous entraîne dans une vraie-fausse enquête policière. Une enquête intime dans le vaste pays de l'âme. Trois femmes sauvagement assassinées, violées, mutilées : la p'tite Alice, Claire et Victoria. "C'est l'histoire, écrit t-elle, de femmes qui meurent. D'autres viendront, plus fortes, plus généreuses, plus responsables. Les plus fragiles s'évertuent à disparaître." L'inspecteur Christophe Lavand, flic fatigué et désabusé, mène l'enquête. "S'agit-il seulement du même assassin?". Ce qui pourrait être un polar prend une tournure intime pour cet enquêteur revenu de tout. Chaque personnage qu'il rencontre est un criminel en puissance. Fausses pistes. Secrets de famille. Incestes. Un homme chapeauté rode. Des poupées gonflables disparaissent. Et l'inspecteur découvre le journal intime de Claire : "Ce matin, recroquevillée sur le lit, j'ai ressenti une grande tristesse en me souvenant de la petite fille méchante que j'étais aussi. Tous les enfants sont ainsi : ils se vengent d'être nés." Il y a aussi ce livre, à la couverture noire, trouvé près des cadavres mutilés : "Le Syndrome de Peter Pan". Certains hommes ne veulent pas grandir, mais ils vieillissent : "Interessant, non, cette blessure de l'homme qui ne veut pas grandir. A qu'elle moment passera-t-il à l'acte?". De ces eaux troubles et tourmentées, de ces affaires de famille, personne ne sort indemne. L'inspecteur le premier : "Dans le salon, une dernière fois, face à la jeune femme, il a du mal à détourner le regard, à ne pas éprouver du dégoût mêlé à un plaisir morbide, du désir même, à l'idée de ce qui a dû se passer, désir éveillé par la vision du sexe maltraité, ouvert plus qu'il ne faudrait, comme offert encore. Du mal à ne pas s'agenouiller et ne pas se vouloir seigneur et maître du cadavre." Et il faut tout le talent de Clotilde Escalle, en grande styliste, pour faire de tant de tristesse, de noirceur et de perversité, un roman de haute pointure. De ceux que l'on n'oublie pas.
S.V.
Clotilde Escalle, La vieillesse de Peter Pan, Le Cherche Midi, 2006, 17 euros.
Du même auteur : Un long baiser, Manya, 1993; Pulsions, Zulma, 1996; Un cadeau de la mer, nouvelle, NRF, 1996; Herbert jouit, Calmann-Levy, 1998; Où est-il cet amour, Calmann-Levy, 2001.
très beau ton papier même si je ne lirais pas
Rédigé par : elisabetha | 20/11/2006 à 14:41
Connaissant le syndrome plus qu'il ne le faut, le titre me plaît beaucoup, et d'avoir construit une histoire aux notes si graves avec Peter Pan à l'esprit suggère une réflexion intéressante et singulière. Bon papier.
(Une ch'tite fôte : "A qu'elle moment passera-t-il à l'acte?" quel, plutôt...)
Rédigé par : spiegel sandgirl | 20/11/2006 à 15:19