- Regarde Em ! Regarde donc, putain, que je te dis de jeter tes yeux là, sur le vice absolu du cercle fruste et plat, nous sommes dedans, Em, et rien ne bouge. Regarde la courbe verte, regarde la fluorescence de notre insignifiance, et nos silhouettes comme des ombres d'une malnutrition sentimentale, on ne voit que nous quand on est seul dans la chambre à se voir dans le verre de la fenêtre ouverte... Nous ne sommes rien, Em ma certitude presque... Hébétée, Em, nous sommes les âmes grasses du corps d'un homme et, ne serait la chair qu'ils ne peuvent nous ôter, nous serions des cohortes d'invisibles abrutis, incapables de se faire voir et de se voir eux-mêmes...Tu sais, quand finiront la soif et la faim, on va sortir de l'illégitime détention sociale à coups de bombes incendiaires d'artisan et de rapines, et on va bouffer, vraiment, et puis boire, boire jusqu'à tomber. A quoi on trinque, Em, Em de toujours mon ami, à quoi on trinque, ce soir ? Va-t-on te libérer ? Est-ce juste que tu vas sortir et briser quelque chose, un crâne, un verre, un espoir, ouais, quelque chose ? Tu vas casser une vie ? Qu'est-ce qu'on va fêter braillards ? On n'a qu'à accueillir nos vagues ou bien nos grandes tempêtes, celles qui s'achèvent, on n'a qu'à recueillir nos enfants ! Bois, Solide, bois comme moi, on va se casser la gueule, on fête nos retours et nos allers... Se souvenir de choses belles et de plaisirs, simples ? Saloperies, Em, saloperies, c'est de la crasse, les choses belles des beaux gens, c'est de l'ennui... Nous contre eux, nous sommes cette force terrifiante de l'histoire qui peut brûler puis s'éteindre à tout instant, selon la houle, crever la peau de tel gros porc, celui-là ou bien un autre, peut-importe, tu sais, Copain, seule la vengeance compte... Et aussi rendre la monnaie sans arrière-pensée pour l'homme en général... On va aller au bout du nord, Em mon amertume, là-bas, au bout du nord, je te le dis, et à même la terre rase, je t'emmènerais boire la bière d'ancêtre et t'abreuverai comme celui qui se serait évadé de tel pénitencier de la côte normande parce que, échappé de la cage, repoussant la bête dans le haut de la colline, pierres boues branches, la poisse de la vie suée dans le combat à chaque ultime mobilisation de tes jambes de fer pleines de rage et de liqueurs sèches, et la lâcheté souillant l'offensive, un peu de faiblesse, la tienne, la mienne, et celles de tous les autres morts une première fois étant à peine nés... Tu es comme le sang, Em, tu comprends ? Tu es comme le sang qui ne dit jamais merci, insatiable, et je ne te vois que liquide. Tu es le courage, Em, le courage et la crainte...
Mathieu Diebler
mon rendez-vous de lecture du lundi d'aujourd'hui est quelque peu désespéré... ou simplement poétique.
à une prochaine lecture, Martha
Rédigé par : martha | 18/07/2005 à 14:08