Cris de gorge
Dès le réveil, cette sensation de flottement. Tu traines en robe de chanvre, dans les méandres de ta chambre. Un voile léger glisse au-devant de tes paupières, à moitié closes, et tu laisses le vent te bercer. D’épaisses volutes de fumée se déploient jusqu’au plafond. La jouissance du ressac te procure une impression d’infini. Tes yeux semblent encore injectés de sang. Lorsque tu te penches à la fenêtre, la violence du vide t’attires et te révulses, tout à la fois. Le fauve tourne en rond, dans sa cage. Les cris de gorge de l’animal en colère résonnent à l’intérieur de ton crane. Peut-être s’agit-il en fait de tes propres grognements, amplifiés par une distorsion, dont tu es incapable de déterminer la source. Des décharges inconscientes te rappellent qu’il n’est pas toujours aisé de pratiquer l’introspection. Les parties de jambes en l’air devant un miroir ne reflètent que la face immergée de l’iceberg. Les draps humides sont inondés de cyprine et de sperme. Peu importe les traces : elles cachent toujours des crimes imparfaits où chacun simultanément est bourreau et victime. C’est l’histoire d’éternelles batailles. Les vies compliquées le sont par essence. La virologie des sentiments ne laisse aucune place à la réflexion.
S.V.
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