Jeux d'artifice
Certains littérateurs se propulsent sur la scène, éblouis par les projecteurs, qui déforment les traits de leurs visages, en d’immondes grimaces, que le public encourage, comme dans une arène, au moment de la mise à mort ; et les bifurcations narratives, éructées dans des micros, électrisent la troupe de fidèles agenouillés, en des messes en trompe l’œil. Sur l’écran, tendu au-dessus de la scène, défilent des images, à décrypter d’urgence, dont les littérateurs s’emparent, pour parfaire un discours balisé en amont. Des applaudissements retentissent à chaque saillie drolatique, provocant cris ou évanouissements de fans hystériques, que l’on évacue illico sur des brancards de fortune, pour ne pas perturber durablement le déroulé des interventions. Des agitateurs, infiltrés dans la foule, s’affairent à déstabiliser les derniers récalcitrants ; ceux qui résistent sont achevés à coups de pierres. Tu retiens ta respiration, avant de te frayer un chemin, au milieu des cadavres. Le fonds de l’air est rouge et zébré de noir. Tu cherches une arme à l’intérieur de tes poches crevées. Le fonds de l’air t’effraie. Ton inquiétude te joue des tours. Une musique lancinante encombre ton esprit. Tu évites de croiser des regards ; sensation d’être devenu bourreau, et cible, tout à la fois. La scène est soudain envahie par des hommes cagoulés, armés de fusils d’assaut. Ils tirent sur tout ce qui bouge. Tu as le temps de sauter par la fenêtre, pour un dernier saut de l’ange, avant de rebondir dans la sciure. L’air glacé du dehors de saisit à la gorge, comme si l’on voulait t’étrangler. Tu résistes à peine à l’hypnose qui te gagne. Chaque parcelle de ton corps se démultiplie, dans une implosion de lumières irréelles. Les battements de ton cœur ajoutent de la distorsion à cette peur envoutante; et que même un cri, ne pourrait libérer, tant ton âme s’englue dans un marasme de fin du monde. Tu repenses, le souffle coupé, aux scènes du crime, en bordure de tes propres frontières. Elles déferlent, comme des vagues, au-delà de ton histoire labyrinthique, et de siècles d’épouvante. Lorsque tu fermes les yeux, les hallucinoses te reprennent, comme dans un delirium tremens, avec le souvenir ébréché de quelques mauvais trips d’acide. Les rubans de police tracent un cercle autour de toi. Des ambulanciers poussent ton brancard dans les entrailles d’un hôpital. La morphine calme à peine ces douleurs qui t’éventrent. Les néons du plafond t’éblouissent. Tu attends le feu d’artifice.
Stéphane Vallet
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