La saison des soldes
La réalité est une fiction qui se joue de la réalité, imbriquée dans la fiction de ta propre vie. L’arc-en-ciel de ta mémoire tapine sur de sombres rives, que tu entretiens malgré toi, jusqu’à ce que la nuit te submerge, dans une confusion invertébrée. La première bouffée du matin te provoque une quinte de toux. Tu traines dans ton bunker, comme un spectateur somnambule. Il suffirait d’une étincelle, pour que tout explose, dans le ventre mou de la ville. La bande-son des nouvelles du monde te procure de la nausée. Les scènes de crime se multiplient à l’infini. La dramaturgie ne s’accorde aucun répit, comme dans un film à grand budget. Tu pyrograves au laser une dialectique circonstanciée, histoire d’affronter de plein fouet la destruction sémantique du réel. La détérioration de tes données organiques perturbe ton appréhension des messages cryptés qui te parviennent. Ton addiction aux images tremblées, que diffusent les médias d’actualité, participe à la montée de ton inquiétude, et au lissage subliminal d’un esprit en dérangement. Chaque bouffée de fumigène donne à tes rêves fantomatiques une illusion de lucidité, dans l’évitement d’un jeu truqué d’avance. Tu laisses échapper de ta gorge des borborygmes d’une infinie variété, comme si parler était surtout affaire de tonalités et de rythmes. Tu prononces des mots salivaires, que personne n’écoute, au-delà de ta grammaire intérieure, et de tes parodies d’exigences. Les reflets perturbés de ton âme sombrent en d’antiques ruminations. Tu végètes dans un engrais infertile, rétif aux moindres tremblements. La fièvre te saisit par poussées, à l’image des hystérisassions généralisées, qui secouent ton territoire, et la peur confuse qui s’égrène aux quatre vents. Tu es dans le monde, et en dehors du monde, comme un mutant erratique. Ta métamorphose est en marche, dans une alchimie contrariée. Des explosions retentissent, sur les sentiers de ton âme, comme une mise en abîme. Les perspectives d’accélération des mécaniques de destruction accentuent cette sensation d’effroi qui plane au-dessus de la ville. Le rhizome de ta pensée révèle les artifices de ces instants scarifiés. Chacun a droit à sa muselière. C’est la saison des soldes.
Stéphane Vallet
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