L'entaille des rêves
Les nuits se précipitent dans des brasiers fantômes, du baiser de la mort personne ne se relève. L’ivresse active les déclinaisons du vent. Des rôdeurs gesticulent, entre deux bains de boue ; le chant des sirènes désarticule poupées à marée basse. C’est une plongée dans l’entaille des rêves, au-delà des déchirures et des cris rageurs, un territoire de secousses imbriquées dans une spirale tentaculaire, de quoi se ramasser pour l’hiver, avec, en prime, un chagrin de bas étage. Les artificiers sont légions. Ils arpentent contrées d’atmosphère, avec regards inquisiteurs. Ce sont de petits soldats, bien arrimés à leurs conventions. Dans la cour de récréation, ils bousculent les autres. Une tactique de harcèlement, savamment orchestrée. Des défloraisons de l’âme, sur le givre du temps, avant le grand saut généralisé. Les dealeurs font le trottoir, avec des déhanchements de petites reines, pour mieux faire la peau de quidams en partance. Des wagonnets écorchés s’entrelacent en bout de quai, en quête de pirouettes d’abrasion. Il n’y a plus personne dans l’enceinte de la gare de triages, là où se perdent à jamais derniers rêves d’élégance ; toutes ces allégeances d’allégresse ne sont que des tentacules d’évitement, des ruses grossières pour ne pas perdre la face devant des figurants sans culotte. Le marécage est généralisé, pas question de trainailler dans la fange, ni de se laisser porter par les odeurs qui émanent des bas-fonds. Il ne suffit pas de fermer les yeux, ni de prodiguer grimaces d’usage et circonvolutions assermentées, pour entrer en résistance. C’est une lutte de tous les instincts.
S.V.
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