EMMANUELLE K. : DÉSOBÉIR, DIT-ELLE !
"Quand l'obéissance est devenue impossible". Avec un tel titre (de la poésie, en plus !), manuel de survie pour époque carnassière ; et qui nous ramène, en mouvements circulaires, à d'autres brutales époques ; d'autres bals tragiques, et comédies (du spectacle), qui se jouent, et se rejouent, sous nos yeux, dans jeux truqués, où Maitres déroulent ficelles cousues (de fil blanc), Emmanuelle K., poète rebelle, et incendiaire, a publié (1), en septembre 2008, un coffret noir, contenant quatre cahiers : Vertige de l'écart, Les brutes, L'indépendance du sourire, et Les chemins du désir. Un bon poète est-il un poète mort !? Pas mot dans la presse. Silence radio. Seules 5 librairies, dans toute la France, a confirmé mon libraire, possèdent ce livre. Les bibliothèques, n'en parlons pas ! Et pourtant quelle voix !"Je pense que la voix des poètes, écrit Raoul Vaneigem, en juin 2007, est trop peu entendue. Hölderling se trouvait déjà autorisé à railler "mais en ces temps à quoi bon les poètes !", il me semble qu'il aurait été aujourd'hui condamné plus prématurément encore au silence et à la folie. Il y a dans l'œuvre d'Emmanuelle K. cette authenticité qui tend désormais à disparaitre. Nous sommes ici à contre-courant de la quête ordinaire d'une notoriété vide."
Ces propos, de Raoul Vaneigem figurent, en caractères rouges, sur fond noir, au dos du coffret. Le rouge et le noir sont les couleurs d'Emmanuelle K. Femme libre et libérée. Poète de toutes les transgressions, sans compromis, ni compromissions. Aventureuse, résistante, rêveuse, solaire, révoltée, ludique, unique, inclassable. Solidaire (et solidaire). Sa poésie pense et respire, analyse et émeut ; rêves d'émeutes textuelles, ancrées dans réel. Petits matins incendiaires. Poésie jaillit, syncopée, par rafales, ivres de sensualité, et de jeux de langues.
"Vivre, vivre en jouant guidée par le désir.
Ne rien connaitre qui ne me soit corps.
Tout acte est un geste érotique."
Langues toujours en mouvement, qui s'offrent, comme mains qui caressent. Et griffent, aussi.
"Tu ne m'as jamais dit que j'étais belle.
Ecartelée, brûlante, tu jouais, d'un sourire, à me faire
ignorer les trésors de ma peau, les gouffres de ta peur."
Poésie du quotidien, et de "la cruauté policée du monde" ; jeux de l'aube, glissades et ivresses, "plongées le long des quais", écrits et chuchotements, humour (noir) aussi. Stratégie des cris et des silences, entre respiration des mots. Décryptage lucide et acéré du monde.
"Mon corps sue d'insécurité affolée,
le coeur s'accélère, respiration difficile,
évanouissements fréquents,
l'oedème m'envahit la peau.
Le réel se joue de moi et l'irréel l'imite si bien
que je perds toutes mes frontières."
Désobéir, dit-elle ! Emmanuelle K. est de ces voix rebelles, qui éclaire, et rend plus libre. Elle a le punch d'un boxeur sans illusions, mais non sans espoirs, qui sait jongler avec les mots, et aussi cogner. La vie, grotesque ring, procure d'incessants vertiges. Sa poésie, très actuelle, donne des repères. C'est la voix d'une "âme sœur", qui résonne, haut et fort, dans un quotidien devenu rauque et autiste, et de plus en plus brutal. Avec, pourtant, ce pied de nez : "Faire autre chose que vivre est signe de maléfices."
Stéphane Vallet
(1) Quand l'obéissance est devenue impossible, Emmanuelle K., Le Krill éditeur/Editions de la différence, 2008.
Emmanuelle K. signera son ouvrage Quand l'obéissance est devenue impossible, samedi 20 et dimanche 21 juin 2009, de 16h à 18 heures, sur le stand de la librairie "Equipages", au Marché de la Poésie, Place Saint-Sulpice, Paris 6. Venez nombreux !
Les commentaires récents