LE PLAISIR SELON MEDI HOLTROP
Medi Holtrop est une artiste d'origine norvégienne. Elle vit aussi avec le dessinateur Willem depuis 1969 (année érotique). Dans Plaisir, une série de 75 dessins au plomb, en noir et blanc, elle fait preuve d'un singulier talent. Et offre ses plus beaux vertiges. Des autoportraits où elle "expose", notamment, comme l'écrit Pierre Bourgeade dans la préface, "son amour de la sexualité". Univers obsessionnel, sorti de rêves et de contes de l'enfance. On ressent aussi cette mélancolie si particulière des pays scandinaves. Et l'absence de culpabilité et de tabous. Medi Holtrop est une femme libre, et généreuse. Ces autoportraits, ludiques et ironiques, parfois sarcastiques, à l'humour noir cinglant, sont autant de doubles qu'elle met en scène, avec toujours "la nostalgie d'une petite fille qui rêve". Une femme nue joue du tambour dans un paysage norvégien, avec un coq ou une poule. Une autre fait des galipettes sur le dos d'un ours polaire, ou d'un minuscule bélier. Certaines sont beaucoup plus explicites. Comme la collectionneuse de bites. Ou l'autoportrait, avec du sperme entre les lèvres : "Et après, je garde tout dans ma bouche avec un immense plaisir, très longtemps.", écrit Medi Holtrop.
Dans un entretien avec Jacques Vallet, publié en fin d'ouvrage, Medi Holtrop retrace son parcours. Enfance à Oslo, entre un père négociant en vins et alcools (issu d'une famille les plus anciennes de Norvège), et une mère artiste, très libre et pacifiste, qui milita dans les années 30 avec Wilhelm Reich et Willy Brandt. A 16 ans, la jeune fille est reçue au concours des beaux-arts d'Oslo, et y étudie pendant cinq ans. Elle travaille dans une imprimerie, puis enseigne pendant trois ans le dessin et l'histoire de l'art en Norvège. Medi Holtrop y évoque "l'âme norvégienne". La "proximité avec la nature" : "Chez nous, c'est obligé, on est toujours proche de la nature. Avec mes parents, on se levait très tôt le dimanche pour aller se promener dans la forêt. C'était un grand bonheur." L'importance aussi de la poésie norvégienne, qui exprime également ce lien particulier avec la nature.
Le 13 juillet 1969, elle rencontre Willem à La Palette, à Paris. Il ne se sont plus jamais quitté. Pendant quinze ans, elle restera dans l'ombre : "C'était Willem le dessinateur, pas moi. J'ai choisi et je n'ai jamais récriminé. Mais je pensais : "Ce n'est pas seulement Willem, il y a moi aussi. On est égaux. Il est meilleur que moi, mais on est égaux."" Souvent, Medi Holtrop se dessine nue devant un miroir : "Quand on se regarde dans le miroir, franchement on ne voit pas le nez, les yeux, la peau... Ce sont les pensées qu'on regarde. On se parle de l'intérieur. Qui est moi? C'est moi, moi, moi, moi, moi. Je dis "moi" dix fois et je tombe dans un énorme ravin. C'est vertigineux. Se regarder, se parler, s'adresser à l'être profond. Mais c'est également à la fois moi et pas vraiment moi. C'est ma mère, ma fille, toutes les femmes."
Stéphane Vallet
Medi Holtrop, Plaisir ; préface Pierre Bourgeade ; entretien avec Jacques Vallet,Editions Orbis Pictus Club, 2008. 20 euros.
Exposition de Willem et Medi Holtrop, à L'Espace Accatone, 20, Rue Cujas, Paris 5. Tel : 01 46 33 86 86. Vernissage le mardi 21 octobre 2008, à partir de 19 heures. Signatures de leurs livres : Plaisir, dessins de Medi Holtrop, Editions Orbis Pictus Club. Rêves de femmes, Editions Tristram.
Lire aussi l'article dans le blog de Stéphane Vallet dans Mediapart.
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