MOI AUSSI JE SUIS UN OISEAU
Je caresse le petit globe, posé sur mon bureau, tremblements de mes doigts.
Je ne pense plus à toi.
Tu as laissé quelques dessous dans le bas mon armoire, et cette robe que tu pendais toujours au cintre de l’entrée.
Ta robe noire.
Je fais brûler de l’encens.
J’ai décroché ta photo.
Sur le mur, il ne reste que de la poussière.
Parfois, je relis tes lettres.
J’y retrouve ton parfum, ton écriture enfantine, la trace de ton rouge à lèvres.
Je ne pense plus à toi.
Tu me faisais livrer de beaux bouquets de fleurs, avec des bristols où tu écrivais des mots doux, pleins de baisers.
Et ce globe que tu m’as offert.
Je le soupèse dans la paume de ma main.
Je le fais tourner.
C’est moi qui suis ivre.
Tu volais de la lingerie sexy dans les grands magasins.
Tu voulais que je t’attache.
Je m’attachais à toi.
Je te touchais partout.
Tu avais fait un strip-tease dans la rue, en plein jour, rien que pour moi.
On s’était bien marrés.
Il y avait eu cette ballade dans le cimetière du Père-Lachaise, le jour de ton anniversaire.
Ca te rendait drôlement joyeuse les cimetières.
On s’était pris en photo, sur les tombes.
Du noir et blanc.
Des chats sauvages nous frôlaient.
Des rats dansaient.
On avait fumé des pétards.
Je ne pense plus à toi.
Il y a cette petite brise au dehors.
Je voudrais m’envoler par la fenêtre.
Moi aussi je suis un oiseau.
Tu me prenais souvent dans tes bras.
Tu reposais ta tête sur mes épaules.
Tes cheveux ondulaient sur ta nuque.
Je sentais ton souffle, ton parfum de vanille.
Tu semblais si heureuse.
Tu dansais nue au milieu de la chambre.
On baissait un peu l’abat-jour.
Tu ne m’as laissé aucun message.
Rien qui n’explique ton geste.
Tu as arrosé les plantes du balcon, minutieusement.
Puis, tu t’es jetée dans le vide.
Stéphane Vallet
Dessin Mathilde Tixier
Ce texte est paru, sous une autre forme dans la revue Rue Saint Ambroise n° 13, 2004.
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