J'ai eu des hauts et des bars. Surtout des bars. Et toujours ligoté au zinc à mater le ballet des serveuses jusqu'à tomber à la renverse dans la sciure. Les habitués semblaient tous implorer quelque chose, verre à la main, étrange sourire aux lèvres, maquillés comme on se déshabille. Alors, on trinquait, encore debout. On avait vraiment l'impression d'éxister. On faisait semblant. Comme des frères et soeurs incestueux. Et on commandait une autre tournée. La fermeture. Dernière bouteille à partager. On montait à sept dans la voiture. Une fête. Dans le quartier. Pleuvait sur le canal. On entendait déjà la musique. Cinquième étage. Une fille très décolletée ouvrait la porte. On se penchait pour voir. Et on filait à la recherche d'un tire-bouchon. Les fenêtres étaient grandes ouvertes, avec vue sur un jardin public et sur une batterie de grosses poubelles qui attendaient le camion à benne. Une jolie blonde dévissait son corps comme une toupie. Elle se collait à moi. Chouettes vibrations. Je commençais à la caresser. C'était chaud. Peau douce. Elle s'est cabrée : "Je ne veux pas aller plus loin." Elle s'est retournée vers sa copine. Elles ont pouffé comme des gamines. J'ai voulu me resservir un verre. A ce moment là, j'ai entendu la baston. Ca venait de l'entrée. Un attroupement, des cris, des coups. Ben se faisait castagner. Au moins quatre à lui défoncer la tronche. On a fini par les séparer. Ben a dévalé l'escalier. Quelqu'un a balancé son blouson par la fenêtre. Il a rebondit sur les poubelles vertes. J'avais perdu la trace de la blonde. J'ai retrouvé les autres à la voiture. Ben avait bien morflé. Un putain d'oeil au beurre noir. On a terminé la nuit aux Folies, à Pigalle. Enfin au calme...
Stéphane Vallet
Photo-montage Guillaume Fréchon
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